Elles disent... # 2
Deuxième d'une longue série, toujours par mademoiselle cabana. (mariehelenecabana@yahoo.ca)
Elle dit :
J’aurais pu te frapper, mais ça n’aurait rien changé…
J’ai pas vu grand monde de ma génération rouler en larmes par terre... On ne fait plus comme ça maintenant. Plutôt des mauvaises blagues qui ne finissent pas, des langues trop pendues et la crise qu’on n’a pas vue venir.
J’avais d’abord espéré qu’une chiennerie de plus ne me heurterait pas. Que je pouvais tomber plus bas et que c’était très correct. Il y a toujours pires bassesses…
Je savais bien que t’avais ta tête de tous les jours, la tête que tout le monde connaît qui dit : celui-là pas question…
Pourtant je l’ai sentie entre mes jambes. J’ai senti monter en moi des spasmes. Des spasmes de plaisir de n’avoir rien à te dire. Parce que tu n’as rien à dire.
C’est difficile de savoir d’avance :
Toujours la même approche.
Toujours le même corps.
Mais je n’avais pas mal à la tête…
J’ai juste senti comme une précipitation. Du sang affluer de partout. Un manque d’air remplacé par de l’alcool. J’ai serré les dents bien fort. J’ai mis ma main où je pensais que je devais la mettre. Ça semblait aller.
J’ai senti un autre souffle sur mon cou.
Ça m’a rappelé la fois où j’avais vomi juste avant. Il me restait peut-être encore un peu trop de conscience… J’ai vu ma tête dans l’image que j’ai de moi dans ma tête.
Un moment où j’avais appris ma liberté ; où je croyais que j’étais tirée du nid. Mais où le lendemain matin, la nappe (celle avec des fruits) achetée par ma mère, me rappelait le bonheur et l’impatience du nouveau départ qui contrastaient avec le goût dégueulasse du café mal fait et la douleur anormale que j’avais.
La toilette sentait encore le vomi ; le rideau de douche était à moitié arraché par la faiblesse de mes jambes. J’avais mal choisi la personne qui me soutiendrait…
Cette fois-ci : j’ai vu ma tête dans le miroir d’en face. J’ai touché quelque chose de froid. Je saisissais des moments comme des photos. Ma tête, le mur, ta tête de lâche coupable, l’image que je me fais de ton dos que je ne peux pas voir. Le lavabo, les robinets, tous ces gens dehors…
Mon corps dans le miroir : quelle surprise ! C’était moi ça ?
Je ne comprends pas.
J’ai juste envie de pousser plus loin l’envie absurde des corps étrangers.
Après ? Après je me suis cachée pendant un bout de temps. Ça semblait la meilleure chose à faire : ne pas provoquer l’immonde.
Ils ont dit que j’étais jalouse, froide et triste.
J’ai juste pensé que j’avais pas accepté grand chose de ce qui m’était arrivé. J’ai eu trop besoin de solitude. De mettre ma tête dans un sac en plastique. De pas respirer fort, question de m’asphyxier même sans le sac…
T’as cru que tu devais me sauver. C’est pas facile d’être un homme, hein ? Pauvre créature abandonnée…
Mais il n’y a pas tellement de faiblesse en moi…
C’est comme ça : c’est de la haine.
Je ne comprends pas les étrangers. J’ai toujours le goût de leur péter la tête sur le ciment. Il me semble que ce serait plus facile comme ça.
Cracher, mordre, me débattre en convulsions… Dans ces moments-là ; j’ai pas l’impression qu’il y a grand chose d’autre à faire. Ça et pleurer un bon coup en se martelant le corps.
Il n’y a plus rien d’autre en moi que la haine, le désir et la paranoïa.
Peut-être l’amertume…
Et surtout : l’arrière-goût d’une jouissance dont on reste nostalgique.
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