mercredi, mai 24, 2006

absent(e, s)

petit
tout petit
en tas de mauvaise santé
tétard adulte

parce que l’enfant n’est plus là
parce que la feuille a jauni
parce que le père est mort
des coulures de peinture en guise d’onction
parce que la rivière s’est figée
parce que les ondées lacrymales
parce que la jeune fille a souri un peu trop tard
alors que tu t’étais déjà levé pour partir
parce que l’enfance a perdu toutes ses dents
parce que malgré tout il reste des milliards de virginités
parce que l’indifférence trône sur le palais
parce que la peur
parce que la peur reste la norme ici
bien que cachée entre les pattes de l’araignée
dans la paranoïa des cités de nuit
parce que la ville luit de sa peau immense
bien que les villes fondent sous le sel
parce que la mer a fini par avancer et
qu’elle vide des maisons en alaska
parce que le centre du maëlstrom ne cache aucun fond
parce que tout ici sonne creux et
cruel de l’infini sourd

et on ne prépare plus
ses deux douzaines d’huîtres à noël mais
reste l’odeur de vinaigre et d’échalottes
pour hanter les cuisines
et les portes restent ouvertes sur la rue
les rêves se défont sans elle
ses lunettes traînent dans un tiroir et
elle n’est pas souvent venue dans la maison de mon enfance

les quelques kilos violés par la douleur
chantent des hymnes à marie
et les doigts fondus d’égrener le chapelet
et moi qui ai perdu ma langue
et toi qui regarde filer ton corps
et tes yeux de souffrance
et de mort injectée
tes yeux de fièvre d’enfants portés
et tes jambes de viande avariée
et tes cellules devenues folles avec l’âge
et ton piano à l’enfant qui ne veut pas en jouer
et ta voix disparue avec le reste
et ton corps qui veut se dédoubler
et ton corps soudain devenu creux
et ton corps qui veut s’échapper
et ton corps de hurlements
ton corps dévoré par lui-même
et tes larmes de petite fille affolée
et tes bras piqués par des milliards de guêpes
et ta viande démente
et ta viande brûlée par le venin
et toi qui rêve d’une autre extase
et les églises sont désertes
parce que tu ne chantes plus dans les églises
et la grande maison creuse
résonne de tes pas dans l’escalier
et tes cheveux clairs clairsemés
et la voix crochue
et les traces qui ne s’estompent pas
et les fantômes qui ne font pas silence
et les roues de tes désirs que j’ignore
et ta voix qui sèche tout

tout
tout chez elle
tout est départ
tout est départ chez elle
départ
tout reste en creux
toutes ces empreintes
toutes ces coquilles vides
tout reste en creux
tout s’évide
tout toi s’est vidé dans rien
tout je tourne en rond
de toi dans l’attente
tout ce que tu as vu venir
tout traîne en attendant de disparaître
tout s’évente en attendant
tout a trébuché dans l’attente
tout tourne en retard dans l’attente
tout attend

et on ne prépare plus
ses deux douzaines d’huîtres à noël mais
reste l’odeur de vinaigre et d’échalottes
pour hanter les cuisines

en état d’apesanteur
dans la fuite vers votre indifférence à l’absence
un trou dont personne ne verra jamais le fond
un trou sans couleurs et sans accents de terreur
un trou dans la rapacité pleureuse
un trou qui n’est plus rattaché à un nombril
un trou qui ne relie rien à rien
un trou dans la paranoïa des nuits
mes pas spiralent autour d’un trou minuscule

et nous ne trouverons personne pour arracher la dalle qui
empoisonne nos révolutions
quelque part au fond de ce trou
sous un ciel de mort il y a
l’enfance qui hurle et se défend
contre les essais de signifiance
l’enfance marquée par la moustache du père
pendue dans la forge ancestrale
et ça siffle

rien n’attend plus d’escale
rien n’est épargné par la chute
rien ne détourne les courants qui entraînent vers le large
l’absence n’interrompt rien, n’arrête rien
rien à glaner dans toute cette surdité
rien n’arrête la fuite
rien ne se frotte plus à l’horizon des heures passées
aucun voile ne vous abritera de nos douleurs
rien ne viendra frotter nos larmes contre des murs
rien ne remplira les vides entre nos têtes
rien

et la question fait trembler les murs
et l’absence avec le temps et
les maisons s’écroule
l’absence n’a plus de murs
l’absence n’a plus de voile
l’absence ramasse les débris de nos enfances
des pans entiers de la ville
s’effondrent sous son poids
la circulation arrêtée
l’absence ne quitte jamais personne une fois qu’elle a trouvé quelqu’un
reste la trace sur les murs
sur les trottoirs
sur les ampoules éclatées
sur les éclats des vitres tombés à terre

et une chaussure posée là
au milieu du terrain de jeux
une chaussure d’enfant posée là
une chaussure qui trône comme pour nous dire la fin
de l’occupation

l’absence attend la pluie pour être plus cruelle
une anse de la cage s’est brisée
finalement tu as bien vu que le temps passe
à l’allongement de tes veines sur le trottoir et parce qu’
à la suspicion et
au vol fragile des chandelles et
au cri du blessé qui sait
que personne ne l’entend
mais crie quand même
et à l’appel des disparus
répond un silence assourdissant

et on ne prépare plus
ses deux douzaines d’huîtres à noël mais
reste l’odeur de vinaigre et d’échalottes
pour hanter les cuisines

et untel se dit que l’assiette de crêpes ne sera pas touchée
cette fois

jeudi, mai 18, 2006

pauvre

il n’y a plus rien
que des anges en fusion
les fruits sont rares
les sons m’accueillent comme un
nouvel étranger

libre observateur
tout en moi s’étire
sur le papier il n’y a plus rien
plus rien
d’ailleurs il n’y a jamais rien eu
sur ce trône
surtout pas des mots
quelques signes à la rigueur
un ou deux mensonges, des meurtres
un peu de violence
surtout pas d’amour
des morts à la rigueur

viole la forme
surtout ne pas faire de dessin
serre la fort
sûrs de leur monde
les actes s’allègent du temps
quand ils ne s’infligent pas les hommes
à l’intérieur des marges

hier j’aimais l’hiver
j’habillais mes côtes de rubans pour les regarder putasser
je ne prends plus cette peine
mon seul habit
la pluie opaque
la goutte au nez me tient chaud entre deux averses
mes oreilles se tendent
mes érections se baladent
à poils

je vibre à l’instant où
des paroles se tracent dans l’eau où
des paroles te traversent

cj.

mardi, mai 02, 2006

whipsmart

ça a commencé comme ça
tout a disparu d’un corps
vivant mal pris
dans la matrice

on défroque :
une vieille scie crie au sang chaud
frissons libres
perce oreille
je jouis
d’attentats à coups d’orgasmes
des vipères sur ma langue
sous influence

on émascule :
cette masse menaçante
l’arme à la main
sourire aux lèvres

on dégage :
pénétrons dans le ventre de ma ligne
cardiaque
je parle une langue qui m’est
griffe étrangère
complètement
à la première excitation les corps
caverneux
sursauteront d’un seul homme

en a résulté :
la vérole sur ma gueule
paresseuse
les paroles salies
les actes effacés
les gestes oubliés
les passions brûlées

dans la caverne poisseuse
tout a disparu


cj